• IDEE RECUE : " le Moyen Age ne présente aucune sensibilité artistique"....

     

     

     

    Idée reçue : « Le Moyen Age ne présente aucune sensibilité artistique »

      

      

    Faux ! Le Moyen Age a été souvent (mal) jugé par des amateurs d’art qui ne juraient que par l’art classique (le fameux, redécouvert à la Renaissance).

      

    Or, au Moyen Age, on se dégage justement de cette esthétique gréco-romaine pour exprimer de nouvelles formes d’art. Cela ne signifie pas que les artistes médiévaux ignorent l’art classique.

      

    Bien au contraire. Une fois le choc passé de la chute de l’Empire Romain, la culture (qui avait momentanément régressé pendant le haut Moyen Age) est ressortie des lieux où elle avait été jalousement sauvegardée : les monastères. Le patrimoine gréco-romain fut en effet conservé par les moines pendant l’instabilité de la fin de l’Antiquité.

      

     Le Moyen Age connaissait donc la culture classique (sinon, comment la Renaissance aurait-elle pu se produire ?), mais eut délibérément la volonté de s’en détacher. Le XVIe siècle, épris d’antiquité, eut vite jugé que les productions du Moyen Age ne comportaient aucun intérêt et cette idée s’est malheureusement transmise jusqu’aujourd’hui.

      

    Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.  

    Lettres

    Comment oser imaginer qu’en 1000 ans de Moyen Age, rien ne fut écrit, aucun penseur émérite ne vit le jour, aucune œuvre majeure ne fut composée ? Les obscurantistes ne sont pas là où on croit. Le vrai obscurantisme de la pensée, c’est d’imaginer qu’entre 476 et 1515, notre pays traverse un désert culturel. Hélas, le Moyen Age est si mal connu (son enseignement est quasi inexistant au collège que ce soit en Histoire ou en Français) que le grand public est convaincu de la misère intellectuelle des mérovingiens et des premiers capétiens.

    Les écrits antiques ont été conservés dans les monastères, foyers de prière, mais aussi d’étude et de culture. Ils sont très bien connus des auteurs médiévaux. Dès le VIe siècle, Boèce traduit Aristote en latin. Cassiodore fonde en Italie un monastère qui est un véritable centre d’études classiques avec une grande bibliothèque via un important travail de copistes.

      

    L’évêque Isidore de Séville (VIIe siècle) écrit sur tous les sujets : grammaire, théologie, politique, histoire…en s’appuyant bien sûr sur les auteurs latins. Son ouvrage Etymologies, composé durant 20 ans, couvre tous les champs de la connaissance. Il existe nombre de moines érudits : Bède le Vénérable (VIIIe siècle) et les moines des abbayes de St Gall, Fulda, Ruchenau, Babbio.

      

    C’est au XIIIe siècle que la logique aristotélicienne et le Christianisme fusionnent suite aux travaux d’Abélard, puis de Saint Thomas d’Aquin, même si cette pensée ne sera pleinement adoptée que bien plus tard. Plusieurs papes sont d’origine grecque et ont gardé un contact fort avec l’empire romain d’Orient qui nous transmet aussi la culture classique.

      

    L’avancée des musulmans provoque l’exil de nombreux byzantins qui se réfugient en Occident avec leur savoir et leurs bibliothèques.

      

    Ces musulmans, qui envahissent l’Espagne wisigothique et l’empire byzantin, découvrent à leur tour cette culture gréco-latine (ils ne nous l’apportent pas) qu’ils traduisent en arabe et s’approprient.

    Mais, le Moyen Age ne fait pas que copier les auteurs classiques.

      

    Il invente un genre littéraire à part entière qui prendra d’ailleurs le nom de la langue dans laquelle il est écrit, le roman. Création littéraire majeure si l’on en juge par le succès de celle-ci à notre époque !

      

    Citons le Roman de la Rose, Erec et Enide ou Tristan et Iseult.

      

    La forme même du roman voit le jour au Moyen Age, puisque le codex médiéval (livre) remplace alors le volumen antique (rouleau) bien moins pratique à manier. L’imprimerie elle-même ne pourra connaître sa formidable expansion que grâce au codex. Une autre création médiévale est l’amour courtois ou courtoisie.

      

    Il consiste en la louange de la femme (beauté, esprit, qualités) par des poètes (André le Chapelain, Bernard de Ventadour, Jaufre Rudel) et des chevaliers (Guillaume d’Aquitaine), mais aussi par des philosophes et des théologiens (Guibert de Nogent). En effet, on voit alors dans la beauté de la femme un miroir direct et immédiat de l’infinie et immuable beauté de Dieu.

      

    De manière plus générale, un Hugues de Saint Victor considère que la beauté du monde visible est le reflet, quoiqu’imparfait, de la beauté du monde invisible. Les hommes d’église ont beaucoup pratiqué l’amour courtois (qui était platonique, cela va sans dire). Citons Guillaume de St Thierry, moine cistercien, Folquet de Marseille, évêque de Toulouse, Mathieu de Vendôme, abbé de St Denis, Baudri de Bourgueil, évêque de Dol, Marbode, évêque de Rennes et jusqu’à St Bernard de Clairvaux lui-même.

      

      

      

    La chanson de geste (XIe siècle) ne peut pas non plus être passée sous silence : Chanson de Roland, Geste du roi Arthur, Geste de Lancelot, sources d’une innombrable production littéraire mise en scène par les trouvères et les troubadours. Enfin, les poètes et poétesses ne sont pas en reste : il nous reste les vers de Christine de Pisan (qui vivait de sa production littéraire !) et les diverses cantilènes, poèmes chantés, de Ste Eulalie, de Saucourt ou d’Hildebrand (IXe et Xe siècles).

      

    Théâtre

    Le théâtre médiéval est très vivant. Ses sujets sont essentiellement d’ordre religieux : pendant le Carême, sur le parvis des églises, des acteurs jouent les différents épisodes de la vie du Christ, des Mystères, ou des miracles des saints. Il est d’ailleurs ridicule de croire que l’Eglise aurait combattu le théâtre. Cet art était au Moyen Age le principal vecteur d’évangélisation des masses !

      

    Le théâtre profane joue beaucoup de farces. Les troupes vont de villages en villages et animent ponctuellement les places publiques. Le théâtre est un plaisir populaire et bon marché.

    A la Renaissance, tout change ! Tout d’abord, le développement des corporations dans toutes les professions incite les gens de théâtre à créer la leur. Les comédiens de l’hôtel de Bourgogne en particulier veulent le monopole des activités théâtrales. Ils s’acharneront contre les petites troupes d’amateurs. C’est la mort du théâtre de rue.

      

    Ensuite, imitation classique oblige, les troupes verront leur liberté artistique de plus en plus restreinte de par le cloisonnement des genres (on est comédien ou tragédien) et de par le respect de la fameuse règle des trois unités en droite provenance de l’Antiquité romaine.

      

    Ces contraintes rigides ne réussiront guère qu’aux géniaux Corneille et Racine. Il faudra attendre le XIXe siècle romantique et un Victor Hugo intrépide pour venir à bout de ces diktats !

    L’âge sombre du théâtre, s’il existe, ne se situe certes pas à la période féodale.

      

      

    Musique

    La musique tient une grande place dans la vie de l’homme du Moyen Age qu’il soit paysan, chevalier ou moine.

      

    L’activité musicale et poétique est alors intense avec la création de multiples hymnes ou chants liturgiques pour les offices religieux, mais aussi pour la poésie qui est alors toujours chantée et non récitée. La musique est l’accompagnement d’autre chose (musique d’ambiance) et non un spectacle en soi comme elle le deviendra à partir du XVIe siècle avec l’apparition des concerts. Les instruments des troubadours sont : la harpe, la lyre, le luth, la vièle, la flûte, la muse.

    C’est au Moyen Age que fut élaboré le langage musical qui sera celui de tout l’Occident jusqu’aujourd’hui avec le chant grégorien, longtemps attribué à Grégoire le Grand mais qui date en vérité du VIIe siècle. Les noms mêmes des notes de musique ont été tirés d’un hymne du VIIIe siècle en l’honneur de St Jean Baptiste, Ut queant laxis, par un moine italien, Gui d’Arezzo.

      

    La notation musicale est créée par des moines : au Xe siècle, on met au point un système de lignes colorées qui servent de repères à l’intonation à donner à chaque syllabe. L’orgue est introduit dans les églises.

      

    Architecture

    S’il est bien un domaine dans lequel on ne peut pas taxer les artistes médiévaux de frustres et ignares, c’est l’architecture. Comment oser regarder les chefs d’œuvre de l’art gothique en imaginant que les hommes qui les ont créés étaient des brutes ?

      

    Quiconque visite le patrimoine religieux français se convainc aisément de la maîtrise des architectes des XIIe et XIIIe siècles, qui n’ont rien à envier aux architectes gréco-romains.

    L’art roman est antérieur à la période qui nous occupe (Xe -XIIIe siècle). Cet art qui est avant tout un art religieux a développé les voûtes en berceau, les voûtes d’arêtes, les coupoles, les clochers, les fresques, les chapiteaux et les sculptures peintes incrustées dans les murs. L’art roman fut mal jugé par les censeurs de la pensée du XVIe siècle (encore eux !) car il n’avait rien, ou si peu, de commun avec l’art classique.

      

    Ces gens bienveillants ont alors tranché : les artistes du Moyen Age ne savaient pas leur métier ! Ni plus, ni moins. A aucun moment, ils n’ont imaginé que les artistes médiévaux n’avaient tout simplement pas voulu copier l’art gréco-romain. Les sculptures romanes n’ont rien à voir avec les statues grecques. Les églises carolingiennes n’ont rien à voir non plus avec les temples romains. Mais, c’est justement ce qu’ont voulu les artistes romans !

      

    Se démarquer des antiquités alors que le 16ème siècle se complut dans l’imitation bête et méchante de l’art classique. Au Moyen Age, l’art est invention, c’est tout. Imaginons qu’un historien du XXIIIe siècle juge l’art du XXe sur les toiles de Picasso.

      

    N’en déduirait-il pas lui aussi que les peintres de notre époque ne savaient pas dessiner ?

    L’art gothique est né au XIIe siècle. C’est la période qui nous intéresse. On lui doit profusion d’ogives, d’arcs-boutants, de sculptures (douces et souriantes dont le vêtement prend du volume) qui se détachent des murs et deviennent indépendantes, de vitraux, de gisants.

      

    C’est au gothique qu’on doit les plus beaux joyaux de notre patrimoine, les cathédrales de Chartres, Reims, Bourges, Amiens, Beauvais et bien sûr Notre-Dame de Paris.

      

    Comment peut-on traiter de barbare le Moyen Age qui a construit Ste Foy de Conques, Cluny et le Thoronet ?

      

    Barbares les tympans romans de Moissac ou d’Autun ?

      

    Barbares les vitraux de Chartres ou ceux de la Sainte Chapelle ?

      

    Barbares les enluminures, reliquaires, ostensoirs et vases liturgiques ?

      

    Pour l’anecdote, citons que le cloître de St Guilhem le désert ou celui de St Michel de Cuxa (XIIe siècle) furent acquis par des Américains ayant compris avant les Français l’admiration qu’il fallait vouer aux trésors architecturaux du Moyen Age !

      

    Lorsqu’on sait les destructions méthodiques des bâtiments religieux médiévaux qui ont eu lieu au moment de la Révolution Française (dont le saccage de St Denis, nécropole des rois de France, qui n’est pas le moindre), on est définitivement convaincu que l’obscurantisme, l’inculture et la bêtise ne sont pas à chercher du côté du Moyen Age, mais à une certaine période qui se réclamait justement (par autodérision ?)

    des ‘’lumières’’.

      

    sources

    SUPBER BLOG

    http://www.linquisitionpourlesnuls.com/2012/07/360/idee-recue-le-moyen-age-ne-presente-aucune-sensibilite-artistique/

      

      

     

     

     

     

     

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